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Frédéric THÉVENET, (LY-SGM 2000) : Président Fondateur CLUKINS
LA PROSPECTIVE : ART DIVINATOIRE OU ART METHODIQUE ?
Dans l'ante-covid, la profitabilité était le graal des actionnaires. Certains se préoccupaient de conquérir de nouveaux marchés internationaux, d'autres leur place dans un espace très concurrentiel. Or, sur quoi se basait leur stratégie ? A l'ère du post-covid, la pandémie a transformé nos mentalités, nos habitudes, nos illusions, nos regards, nos espoirs d'une meilleure redistribution des richesses. Ainsi, essayons de créer une ligne conductrice vers un horizon encore méconnu de l'avenir, la prospective.
La futurologie est un synonyme intéressant. Sa définition est : «la composition des recherches de prospective qui ont pour but de prévoir le sens de l'évolution à la fois économique, sociale, scientifique et technique », rajoutons à l'aide de l'algorithmique. Aussi, la notion de prévoyance ne nous éclaire pas fondamentalement sur la compréhension des faits. Dans le mot prévoyance, il y a voyance, un art divinatoire, qui a trouvé son existence il y a plusieurs millénaires. Il se définit comme le moyen ancestral de deviner, de prédire des éléments cachés entre des techniques non rationnelles, comme le marc de café1, le sable et toute spécialité pseudo-scientifique comme l'astrologie, la numérologie, la tarologie…. Néanmoins, intéressons-nous précisément à la caractéristique rationnelle de la prospective.
Tout d'abord, cette notion, d'un point de vue stratégique, donc déductive, utilise la méthodologie, qui est, selon le Larousse, « l'étude systématique, par l'observation de la pratique scientifique, des principes qui la fondent et des méthodes de recherche utilisées ». En effet, la démarche intellectuelle comprend l'analyse de l'information. Ces ressources utiles, qui existaient peu ou prou dans la transmission orale d'antan, sont surabondantes de nos jours par les canaux de diffusion que sont l'internet, les journaux, émissions, notifications, blogs, réseaux sociaux. Chacun assiste au déferlement continu et tire de ces sources, des appréciations, des réflexions plus ou moins fondées. Mais ayons toujours un sens critique, un libre arbitre.
Dorénavant, rentrons sans plus attendre dans l'art du raisonnement prospectif qui s'applique à tout système du moment que des facteurs influents interviennent dans la compréhension des phénomènes. Assurément, notre monde est devenu infiniment complexe, interconnecté, géostratégique, lobbyiste, destructeur, capitalistique, novateur, écologique, responsable, etc., dont les actions auront des répercussions planétaires. Afin d'envisager une projection, nous réduisons l'incertitude par la recherche des invariants dans l'ordre social, l'économie, la politique, la réglementation, la technologie, l'internet. À partir de ces points d'accroche historiques, nous appréhendons le réel à travers des variants, cette fois-ci, à forte inertie (tendance lourde) ou plus dynamiques (signaux faibles).
Toutefois, nous devons nous préserver des biais cognitifs2 qui alimentent nos parcours de vie. En cela, les hypothèses, que nous formulons pour identifier des scénarios, doivent être exemptes de préjugés, exagérations, travers, idéologies, conclusions, freins psychologiques ou raccourcis hâtifs afin de laisser notre esprit libre d'imaginer et de proposer toutes solutions pouvant avoir un discernement rigoureux. Si l'étude préliminaire débute en groupe, chaque membre doit s'exprimer librement, sans censure, sans discours politiquement convenu, sans moquerie pour l'émergence de propositions fondées, échafaudées, élaborées.
Cette structuration est appelée morphologique, parce qu'elle puise sa naissance dans l'identification des variables clés, motrices, prépondérantes à influencer les combinaisons dans l'avenir, parmi des ruptures potentielles, des innovations à venir, des effets de seuil3 , de bords4 ou de rebonds5 . Attention cependant aux écueils, car la multiplicité des causes rend l'approche trop compliquée. Pour ces raisons, décomposons un ensemble abstrait en sous-système en vue d'atténuer les erreurs, de capter la teneur infime d'un message, d'utiliser la pondération matricielle dans le but de se donner les moyens d'arbitrer des sous-scénarios.
Cette réduction a pour avantages d'agglomérer ensuite différentes microthématiques préférentielles avant de les consolider en macro-thématiques dans la réalisation de stratégies performantes. En conséquence, la déconstruction permet d'anticiper plus facilement une multitude d'indicateurs simples, dans l'intention de reconstruire un contexte plus global. De plus, en poursuivant l'étude, il nous faut déterminer les tendances d'évolution des variables sur plusieurs années antérieures, de manière à visualiser les évolutions possibles du futur à travers des points d'inflexion ou de basculement, des extremums, des asymptotes, des continuités, des discontinuités, aussi bien des divergences que des convergences en formulant des conjectures.
Ce mécanisme repose sur la mise en oeuvre de schémas représentés par une base, un cheminement et une photographie finale.
Sachons consacrer du « jus de cerveau » à l'appropriation des coefficients de pondération qui nous renseignent sur les probabilités d'occurrence des évènements. Nous dessinons un premier scénario, puis nous passons au deuxième.
Autant que nécessaire, nous poursuivons tout en ayant la capacité de remettre en cause ces derniers, optimistes ou pessimistes, voire opposés. Par ailleurs, le coeur du processus est la récupération des informations, souvent incorporelles, parfois immatérielles, toujours intangibles. Et c'est en cela que l'exercice est passionnant pour la transposition au monde des affaires industrielles, car il ne suffit pas d'agglomérer le commercial avec la finance, voire le social pour projeter une orientation stratégique. En revanche, nous sommes dans l'obligation de compiler la totalité des renseignements depuis les services, les processus, les clients, les concurrents, les partenaires, la vision du dirigeant et toutes indications utiles à la matérialisation de la stratégie, les brevets, les savoirs-faire, les recettes.
Cette constitution spécifique n'est pas un modèle transposable à une autre entreprise, il y a donc un examen perpétuel en changeant de cible, de cadre. Ensuite, place à l'opérationnel qui a une ligne directrice, dont l'adaptation, l'agilité sont primordiales à sa réussite suivant des frontières mouvantes, parfois aléatoires.
Maintenant, tentons de poursuivre avec un scénario prospectif en ne proposant que les finalités négatives, positives d'un entrepreneur en 2040.
Dans le futur, l'intelligence artificielle aura la fonction d'un directeur général, qui accueillera et aiguillera les visiteurs grâce à la vidéosurveillance. Elle aura les outils de reconnaissance visuelle, palmaire, oculaire afin de certifier l'identité, l'ouverture et fermeture des accès. Elle pilotera les connexions au « grid » énergétique et de télécommunications. Elle protégera le système d'informations et le site. Elle interviendra dans la compilation de la comptabilité suivant les règles en vigueur6, relancera le poste clientèle, paiera les fournisseurs, salariés et taxes diverses, économisant inéluctablement sur l'expert-comptable et sur quelques emplois.
Elle arbitrera donc les choix opérationnels suivant ses prérogatives, préprogrammées par le dirigeant. Le bureau d'étude aura disparu, car les clients auront la main sur le design à l'aide d'une application de conception.
L'I.A. robotisée entreprendra, également, de lourdes tâches, répétitives 7j/7 - 24h/24, en milieu hostile. L'homme sera augmenté par un exosquelette dans le but de réduire la pénibilité et permettre la durabilité. La communication interne passera par des lunettes connectées avec micro, écouteurs, caméras, vision augmentée7 entre les acteurs. Les nouveaux talents auront des compétences en programmation quantique, notamment pour sécuriser les flux d'informations. Il n'y aura plus de rdv à la machine à café ou au restaurant, car l'holographie sera un mode courant depuis toutes ses pandémies survenues.
Afin d'optimiser le bien-être au travail, les capteurs thermiques et/ou de pression (et d'autres à venir), installés dans les pc, téléphones, claviers, montres, lunettes, chaises, ... permettront d'identifier la tension, température, fréquence cardiaque ainsi que nos odeurs. Ces informations rythmeront les moments propices aux réunions, aux brainstorming, aux pauses.
En substance, si nous devions élaborer une analogie, entre le passé et l'instant présent, nous dirions que les « influenceurs » sont aujourd'hui les nouveaux « devins » de l'ancien monde par leur relais d'opinion, leur atout marketing, en tant que prescripteurs des marques multisectorielles. Ces dernières les commanditent pour leur nombre d'abonnés dans le but d'un accroissement des ventes. A contrario, les organisations plus ambitieuses8, établissant une cohérence, entre leur rationalisation, et leur levier de croissance, aggloméreront les données, amalgamées par l'I.A. quantique, de leur environnement interne ou externe, en vue de conquêtes. C'est pourquoi ces firmes, où la notion « d'intelligence économique »9 est concrétisée, par l'affectation de personnels dédiés, prendront au sérieux leur défense (exemple en cybersécurité) et l'offensive (exemple en droit) dans cette « guerre économique10» subite au quotidien. Elles réussiront à trouver des parades, des arguments de déploiement sur les théâtres d'opérations11 civiles. |
Extrait de la revue Interface T3-2021
Frédéric THÉVENET, (LY-SGM 2000) : Président Fondateur CLUKINS
CLUKINS, société par actions simplifiée est spécialisée dans le secteur d'activité de l'ingénierie, études techniques. Frederic THEVENET, son fondateur et président nous la présente. Issue de l'automobile, aéronautique, nucléaire, CLUKINS est une entreprise dédiée aux intérêts des mandataires sociaux afin d'élaborer une ingénierie stratégique et opérationnelle à travers l'utilisation de l'intelligence économique en PMI, ETI.
linkedin.com/in/fredericthevenet
1. Le livre du destin ou l'art de prédire l'avenir – Baglis – Editions traditionnelles
2. Un biais cognitif est une distorsion dans le traitement cognitif d'une information. Le terme biais fait référence à une déviation systématique de la pensée logique et rationnelle par rapport à la réalité. Les biais cognitifs conduisent le sujet à accorder des importances différentes à des faits de même nature et peuvent être repérés lorsque des paradoxes ou des erreurs apparaissent dans un raisonnement ou un jugement.
3. https://theses.univ-lyon2.fr/documents/getpart.php?id=lyon2.2006.gracia_d&part=114132
4. http://citeseerx.ist.psu.edu/viewdoc/download?doi=10.1.1.70.2096&rep=rep1&type=pdf
5. https://www.lafabriqueecologique.fr/transition-energetique-le-role-incontournable-de-leffet-rebond/
6. https://www.performance-publique.budget.gouv.fr/budget-comptes-etat/comptes-etat/essentiel/grands-principes- comptabilite-etat/normes-comptables-etat
7. http://tendances.lunettes-originales.fr/vision-augmentee/
8. Or noir – La grande histoire du pétrole – Matthieu Auzanneau – Essai
9. Manuel d'intelligence économique – 3e édition – Christian Harbulot – PUF
10. L'art de la Guerre Economique – Christian Harbulot – Collection Guerre de l'information
11. L'art de la guerre – Sun Tzu – 500 BC
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